Des contrôles récents sur les marchés et dans les ateliers agitent les réseaux des collègues potiers. Nombre d’entre-eux décident de ne plus faire de poteries à usage alimentaire car ils ne peuvent pas supporter les frais occasionnés par les tests d’émaux en laboratoire (environ 250€). Ils ré-orientent leur activité vers la décoration, tel un mug ou une tasse qui devient un porte-crayon ou un pot à brosse-à-dents… Faut-il suivre leur exemple ou bien se mettre en règle? Choix délicat car dans le 2ème cas, il faut pouvoir suivre techniquement et financièrement
Actualisation des règlements
J’actualise ici les dispositions règlementaires françaises et européennes concernant l’usage alimentaire des poteries destinées à la vente. Comme pour toutes les dispositions de matériau-vigilance, il faut pouvoir assurer à la personne à qui on vend un article de son innocuité pour un usage alimentaire. Cela repose sur le principe de garantie d’inertie du matériau vis-à-vis des denrées alimentaires.
La DGCCRF (Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui dépend du ministère des finances publie une fiche qui résume la règlementation actuelle:
Dans son introduction, l’article de la DGCCRF précise: le règlement (CE) n°1935/2004 du 27 octobre 2004 prévoit dans son article 3 que les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, sont fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication.
L’objectif est triple, dans des conditions normales ou prévisibles de leur emploi, ils : 1/ ne cèdent pas aux denrées des constituants en une quantité susceptible de présenter un danger pour la santé humaine 2/ n’entraînent pas une modification inacceptable de la composition de la denrée 3/ n’altèrent pas les propriétés organoleptiques de la denrée alimentaire.
Les textes d’application
Des textes d’application de ce règlement définissent, pour certaines catégories de matériaux, les règles (composition, critères de pureté, etc.) permettant d’assurer le respect de ce principe d’inertie. C’est ainsi que des directives spécifiques, comme dans le domaine des objets en céramique sont adoptées.
Un certain nombre de matériaux ne font pas encore l’objet d’une réglementation spécifique, que ce soit au niveau de l’Union européenne ou au niveau national. Parmi les matériaux inorganiques, seuls les objets en céramique (dite « traditionnelle ») font actuellement l’objet d’une réglementation partielle de l’Union européenne avec la directive 84/500/CEE du 15 octobre 1984 transposée dans l’arrêté du 7 novembre 1985.
Des fiches d’orientation
En l’absence de texte réglementaire spécifique, la DGCCRF élabore des fiches pour les différents types de matériaux. Elles sont à destination première des services et laboratoires officiels de contrôle. Elles viennent préciser les critères et modalités de vérification de l’aptitude au contact alimentaire de ces matériaux. Plus particulièrement, elles définissent les modalités de vérification du principe d’inertie de l’article 3 du règlement (CE) n°1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004. Ces fiches font l’objet d’une consultation, en amont, des représentants des parties prenantes (laboratoires compétents dans le domaine des MCDA, fabricants et transformateurs de matériaux, industries agroalimentaires, distributeurs…). Leur publication sur le site Internet de la DGCCRF permet d’informer les opérateurs, en toute transparence, sur certains critères et modalités qui seront utilisés par ses services dans le cadre des contrôles officiels.
Les références de la règlementation
Ci-dessous les références de la règlementation européenne à laquelle se rattache la règlementation française:
- Document 32007R0333 de la commission du 28 mars 2007 consolidé le 30 avril 2024
- Règlements (CE): – n° 333/2007 de la Commission du 28 mars 2007 : il porte fixation des modes de prélèvement d’échantillons et des méthodes d’analyse pour le contrôle officiel des teneurs en plomb, en cadmium, en mercure, en étain inorganique, en 3-MCPD et en benzo(a)pyrène dans les denrées alimentaires (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE ) – n°1935/2004 du parlement et du conseil du 27 octobre 2004 : il concerne les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant les directives 80/590/CEE et 89/109/CEE – n°2023/2006 de la commission du 22 décembre 2006 relatif aux bonnes pratiques de fabrication des matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires
- Arrêté du 7 novembre 1985 (transposition de la Directive 84/500/CEE du 15 octobre 1984) : limitation des quantités de plomb et de cadmium extractibles des objets en céramique.
Liens utiles :
# Arsenic, aluminium, cobalt: Morgane Louis-Gobin
# Quand l’émail est un poison : Joëlle Swannet
# Vos émaux sont-ils toxiques ? Axel-et-Bois
# Taux d’arsenic et d’aluminium trop élevés: 60 millions de consommateurs
# Taux d’arsenic testé en laboratoire trop élevé : Giom von Birgitta
Si je comprends bien la lecture des textes, il faut pouvoir prouver qu’une pièce de céramique à usage alimentaire ne présente pas de risque de migration de substances nocives. Seul un test en laboratoire est à même de l’assurer.
Mes 10 commandements
Voici les 10 commandements que je m’efforce d’appliquer pour la création de céramiques à usage alimentaire destinées à la vente à des particuliers
1/ Ne pas utiliser de composant prohibé: plomb et cadmium 2/ L’arsenic doit rester indétectable même s’il est contenu dans de nombreux composants
3/ Limiter l’usage du cobalt et du chrome à des concentrations les plus faibles possibles. 4/ Exclure un émail de composition inconnue sauf à faire un essai en laboratoire (même si l’émail est acheté chez un fournisseur ) . 5/ Faire un essai en laboratoire pour tout émail ayant des constituants susceptibles de présenter un risque dans son usage alimentaire 6/ L’émail doit s’inscrire dans le champ de fusion du diagramme de D. de Montmolin auquel il correspond et s’inscrire dans le vecteur central (brillant ou semi-mat) du diagramme de Stull 7/ S’assurer de sa résistance par des »crash-tests » Réf tests de résistance des émaux) 8/ Etablir une traçabilité de tous les composants utilisés (argiles, composants utilisés pour l’émail) et des courbes de cuisson et précise le type d’énergie utilisé (électrique ou gaz) 9/ Remettre à l’acheteur un document garantissant l’usage de la pièce acquise: four, lave-vaisselle, micro-ondes 10/ Me tenir informé des règlementations en vigueur
Après réflexion, malgré toutes ces précautions et ces engagements, je suis conscient que je ne peux affirmer que l’émail qui recouvre ma pièce satisfait complètement à la règlementation. Or, le caractère « à usage alimentaire » est une notion strictement juridique. Donc je ne vais désormais utiliser que l’émail que j’ai déjà fait tester en laboratoire. Pour tout nouvel émail que j’utiliserai, je ferai faire un test de laboratoire avant de lancer une série. Cette réduction volontaire de l’activité créatrice pour l’usage alimentaire sera compensée par des recherches de nouveaux émaux en décoration où l’on jouit par contre d’une totale liberté.
26 mars 2025: Echange de mails avec Joëlle Swanet:
Je reproduis ci-dessous un extrait de sa réponse : » les analyses que nous réalisons portent sur 28 éléments + les limites que nous considérons sont celles qui sont proposées par l’EFSA (European Food Safety Agency). La procédure est la suivante:
1. pour les recettes maison, possibilité de recevoir un rapport prédictif avant d’envoyer la pièce test – le prix : 60€ (gratuit si vous avez suivi la formation Surfaces alimentaires). Sur base de votre recette, il est possible de prédire si votre émail a toutes les chances d’être alimentaire ou s’il sera déséquilibré. Après réception de ce rapport prédictif, vous déciderez si vous faites analyser l’émail en laboratoire ou pas.
2. Préparation du colis: le ou les échantillon(s) doivent avoir une taille suffisante : la contenance doit être d’environ 200 ml. La surface à analyser sera du côté interne. Le colis sera constitué de deux boîtes avec suffisamment d’espace entre les 2 boîtes et du matériel amortissant les chocs pour que l’échantillon arrive entier. Nous insistons pour que le(s) bol(s) échantillons ne puissent pas bouger à l’intérieur du colis : votre boîte sera lancée et subira des chocs. Dans la boîte vous glisserez une feuille qui reprend les informations suivantes : La référence s’il s’agit d’un produit commercial, ou la recette exacte de l’émail que vous souhaitez faire analyser ainsi que la provenance des matières premières (nom du fournisseur – ou matière de cueillette). Ajoutez un maximum d’informations : Température de cuisson (obligatoire) confirmée de préférence par des cônes, Cuisson en oxydation ou en réduction, type de terre, nature de l’engobe s’il y en a, présence de cendres ou matières de cueillette : soyez le plus précis possible et toute autre information qui peut aider à interpréter les résultats. »
L’adresse d’envoi : CCE2 SRL – c/o Eric Swanet – 15B rue de Hannut – 1350 Marilles – Belgique – Tél 0032 498 51 22 87.
Contactez eric.swanet@gmail.com avant l’envoi pour être certain qu’il y aura quelqu’un de présent pour réceptionner votre colis.
Effectuer le paiement de 150 € TTC (prix actuel, au moment de l’envoi de ce mail – et qui peut être modifié si le labo augmente ses prix)
Le compte bancaire est au nom de CCE2 SRL IBAN BE67 3631 5047 1187 – BIC BBRUBEBB En communication : votre adresse mail L’extraction et l’envoi au labo ont lieu après réception du paiement. Pour les zones non-euro : les frais de change sont à votre charge. Si vous avez besoin d’une facture, communiquez vos coordonnées COMPLETES et exactes. Si vous avez un numéro de TVA vous pouvez nous le communiquer (attention il faut être assujetti TVA, le numéro SIREN ne suffit pas) mais la TVA de 21% est due car la prestation d’analyse a lieu en Belgique. Le DELAI est généralement de 5 à 6 semaines, parfois un peu plus. »
Je lui envoie dès aujourd’hui une demande de pré-analyse de l’émail rose Vienne 2025, adapté d’après la formule d’Andrew Taylor (Australie) avec nos composants européens. Sa réponse rapide est que » l’émail n’a pas de déséquilibre manifeste, juste une petite carence en alumine. L’analyse semble utile pour rechercher une éventuelle migration de chrome VI et d’alumine. Je prépare les pièces à lui envoyer ».