Peut-on vivre de la céramique?

16/12/2023 Peut-on vivre de la céramique?

Cela fait presque 18 mois que je me suis lancé dans la poterie aux côtés de ma compagne qui en faisait depuis 12 ans, suis devenu auto-entrepreneur, avec un N° de SIREN, une assurance professionnelle, ai investi en achetant un four électrique, une croûteuse, un tour, et la matière première, j’ai ouvert une boutique en ligne, nous avons beaucoup travaillé à créer des objets utilitaires et décoratifs, et à ce jour on a encaissé seulement 300€ au cours de deux marchés de Noël. Résultat, si on devait en vivre on serait à la rue et au pain sec. Une jeune amie potière  a ouvert sa boutique dans un village il y a 14 mois et a réussi à se payer un petit salaire au bout d’un an, les ventes et les cours ne permettant habituellement que de payer le loyer de la boutique, les taxes et la facture d’électricité (un four ça consomme!) soit environ 500€/mois. Un peu décevant et même si on est passionné on ne peut pas éviter la question de la commercialisation de son travail. Alors cet après-midi j’ai écouté la session organisée par le  » collectif-ceramistes.org »  animé par Jérome Roussel sur le thème « Optimiser la commercialisation de la céramique dans les petits ateliers d’aujourd’hui »

Il s’agit d’une intervention récente datant d’octobre 2023, organisée par le collectif national des céramistes en réponse à l’enquête menée par la commission qui a fait remonter cette question prioritaire parmi les potiers. Le marché de la céramique est en pleine transformation et s’il y a 30 ans on pouvait s’installer et vivre de son art, aujourd’hui cela paraît plus difficile au point qu’on se demande si on peut vivre de la transformation de la terre. Une enquête de conjecture menée par la commission aurait montré effectivement que le marché de la céramique ne se porte actuellement pas bien.

Voici les questions que pose Jérome ROUSSEL :

1/ Quels sont mes clients? Un exemple de ce céramiste passionné d’encens qui veut vendre des céramiques pour contenir de l’encens. Après enquête, marché étroit, 15 acheteurs potentiels, bien sûr, c’est insuffisant et alors je continue ou je change ma production? Si je ne change pas, je vais dans le mur, heureux mais dans le mur. Jérome lui même a passé 4 ans a faire des marchés et zéro de chiffre d’affaire ce qui entraîne un doute sur soi-même, une remise en question. Donc il faut se poser la question: où sont mes clients? S’ils ne sont pas sur les marchés, où sont-ils, où vont-ils en vacances, de quel budget disposent-ils ? …Si je fais des théières, il me faut trouver les amateurs de thé, si je fais des pièces haut-de-gamme pour restaurants, dois-je faire du porte-à-porte pour trouver un restaurant qui me les prenne ou ne puis-je pas trouver d’un seul coup une centaine de restaurateurs qui accèdent à ma production? Donc: il me faut m’adapter à ma clientèle et savoir où je peux la trouver

2/ Quels sont mes concurrents? qui sont-ils et que font-ils, je dois regarder leur travail en toute objectivité. Si je fais de l’utilitaire, j’ai beaucoup beaucoup de concurrents dont IKEA (on peut ajouter Maisons du Monde, Centrakor… la liste est longue) qui produisent des articles dont le design est remis au goût du jour, pour un prix modique. Alors bien sûr le potier s’indigne  » oui mais moi c’est fait manuellement, chaque article est unique » oui certes mais est-ce un argument entendu par l’acheteur ? C’est pire sur Internet où l’acheteur doit trouver la réponse à sa quête sur votre site en 5 secondes sinon il zappe. Au début de son expérience personnelle, Jérome avait comme concurrents sur les marchés TOUS les potiers présents. Il les interrogeait, les observait, épiant même leurs ventes essayant de deviner ce qui pouvait attirer le client chez celui-ci plutôt que chez celui-là et se posant la question: comment s’y prennent mes concurrents et est-ce que ça marche?

3/ Qu’est-ce qui me distingue de mes concurrents? Pour m’insérer  dans une place, qu’est-ce qui va faire qu’on va venir m’acheter. Si je fais de la production utilitaire en faïence ou en terre vernissée, nombreux seront mes concurrents et quelle va être la plus-value de ma production par rapport à celle du voisin?, Qu’est-ce que j’apporte en plus? On peut se dire « on verra bien » mais si je souhaite communiquer sur mon travail, il va falloir que je mette en avant CE QUI ME CARACTERISE car il y a autant de sensibilités qu’il y a de potiers et l’acheteur va acheter une histoire. Donc: Identifier sa propre sensibilité et la mettre en valeur.

Faut-il envisager d’adhérer à une association, à un groupe, à un collectif de potiers..? car selon l’adage « l’Union fait la Force »

TROIS INTERVENANTS: 1/ Sarah Heng 2/ Frédéric Le Fur 3/ Fanny Dauthez

Sarah HENG, ancienne commerciale d’entreprises, reconvertie en « agent de céramistes  » qui a créé « Minuit céramique » en 2020  avec une amie potière. Elle intervient en tant qu’agent pour trouver une commercialisation avec un objectif financier, de commercialisation et de communication en reprenant le modèle de la gestion d’entreprise. Elle travaille avec une quarantaine de céramistes, organise des marchés de potiers en ligne et des ventes éphémères, des ventes thématiques. Entre les petits ateliers qui font une centaine de pièces et les manufactures qui en font 3000, il manque des céramistes qui pourraient répondre à une production de quelques centaines de pièces, d’où l’idée de grouper les petits ateliers en vue de commandes communes. Un agent prend en charge les commandes, négocie le prix, structure les artisans, présente un devis…Personnellement je trouve qu’on entre là dans « LE MARCHE » avec tout ce que cela implique et l’approche est plutôt industrielle qu’artisanale.

Frédéric LE FUR, potier lui-même, membre actif de deux associations du sud-ouest « Terre-et-terres » et « Terres neuves du Sud-Ouest » qui a ouvert 4 boutiques collectives à Montauban, Moissac, Carcassonne et St Cirq Lapopie. Les boutiques regroupent une vingtaine d’exposants qui se relaient environ 2j/mois pour tenir la boutique. Dans les lieux touristiques les boutiques ne sont ouvertes que pendant 6 mois alors qu’à Montauban c’est ouvert toute l’année pour un loyer de 800€, loyer beaucoup plus élevé à Carcassonne mais 2 millions de visiteurs/an. Le chiffre d’affaire est d’environ 7000 à 8000€/an en moyenne mais certaines peuvent faire 6000€ en un mois alors que l’autre boutique pendant le même mois ne fera que 250€. Les adhérents n’avancent aucun frais et paieront un fixe égalitaire et une part variable au prorata de leurs ventes respectives. Par exemple, celui qui aura vendu 20% des ventes de la boutique paiera 20% de la facture d’électricité. La décision d’ouvrir une nouvelle boutique se prend en assemblée générale. Ce travail d’équipe mérite les applaudissements et les encouragements, un bon exemple à suivre.

Fanny DAUTHEZ de « l’Institut National des Métiers d’Art  » association qui dépend des ministères de la Culture, de l’Economie et de l’Education Nationale. J’ai personnellement trouvé que son intervention était décalée par rapport aux préoccupations des céramistes et par rapport au thème proposé, un peu trop « parisien chez les ploucs ».  Dommage, ce pourrait être un organisme fédérateur mais probablement trop dispersé.

28/02/2024: Comment vendre nos pièces?

Il n’y a pas 36 manières de pouvoir écouler sa production: exposer sur les marchés, les présenter dans une boutique, diffuser par Etsy.com ou par les  réseaux sociaux.

On a commencé par envoyer une candidature à 7 marchés de potiers. A ce jour 4 d’entre-eux ont répondu négativement arguant du fait qu’il y a pour la plupart plus de 100 candidats pour 10 à 20 places d’exposants. On attend les autres réponses mais ça paraît difficile. Comme tous ces marchés demandent si on adhère à une association de potiers, je suppose qu’adhérer à une association doit faciliter le ticket d’entrée.

Pour la boutique, il faut soit adhérer à une association comme décrit plus haut et s’engager à être présent physiquement dans la boutique de l’association une à 2 journées par mois. On peut aussi participer à des boutiques éphémères mais il faut également être présent. On peut aussi conclure un accord avec des commerçants locaux type boutique de cadeaux, fleuristes…

Il reste Etsy.com et les réseaux sociaux. Pour Etsy, les avis des internautes sur les réseaux de potiers sont très partagés: site non sécurisé, risque d’arnaque, d’autres sont enthousiastes, on n’a pas exclu ce choix mais on va tenter l’autre voie: les réseaux. Pour vendre en ligne, il faut tout-d’abord rendre le site visible, attrayant et que toute la chaîne d’envoi puisse suivre. Après avoir interrogé des céramistes qui ne commercialisent leurs produits que par ce moyen, toutes nous ont clairement dit qu’il faut être très actif sur instagram, tik-tok.. à savoir qu’il faut communiquer plusieurs fois par jour!  C’est une activité qu’il est difficile d’assumer aussi, pour nous lancer, on va faire appel à une jeune personne qui maîtrise parfaitement ce mode de communication et qui va nous aider à développer le site de vente en ligne.

Ta CREATION ne peut se VENDRE que si elle est VISIBLE, après on verra

15/04/2024 Quelques réflexions sur le même sujet. Si ce blog-ci est bien visité il n’en est pas de même de la boutique en ligne qui est au point mort. Il faut alors faire sa propre auto-critique: 1/ on n’entretient pas la boutique en ligne 2/ on ne communique pas grâce aux réseaux 3/ on n’a pas de ligne de production. Il ne faut donc pas en rester là et la décision a été prise en répondant à rebours aux 3 critiques: 1/ Préparer une ligne de production avec une série de bols, tasses, coupes et coupelles, assiettes…, ce qui veut dire travailler beaucoup 2/ Quand cette ligne de production sera prête, la faire connaître par les réseaux. J’ai déjà pris contact avec une personne qualifiée qui va m’initier  3/ Entretenir la boutique en ligne au quotidien en y mettant ou en retirant des articles, en embellissant le site et en le rendant attractif ce qui sera la dernière étape.

28/09/2024  Si tu ne bouges pas, tu n’avances pas

Pour la vente, on n’a pas avancé d’un pas mais pour la production on a beaucoup créé, motivés par le marché de potiers d’Auvillar auquel on va participer. J’avoue n’avoir  rien fait , ni pour les réseaux ni pour la boutique en ligne, ni pour Etsy…et donc, aucune vente. Je me dis que si nous n’avions que cette activité pour vivre on aurait certainement arrêté depuis longtemps mais… pas sûr car on aurait peut-être trouvé le temps, l’énergie et les moyens de se RENDRE VISIBLES.