Au cours d’un voyage d’une semaine en Andalousie, nous avons pu admirer les azulejos (carreaux de céramique émaillés) qui décorent de nombreux édifices. Nous avons pu aussi découvrir la production ancienne et moderne des potiers du quartier de Triana à Séville, nous émerveiller devant les oeuvres du musée de la céramique à La Rambla-Cordoue, village situé à 30Km de Cordoue où sont également installés de nombreux ateliers de potiers dans une zone industrielle.
Les azulejos se retrouvent en mésopotamie, en Egypte et en Perse antique et se sont développés au travers de la culture islamique. Le développement des azulejos en Espagne a été favorisé par la conquête musulmane de la péninsule ibérique au VIIIe siècle. Les techniques ont évolué au cours des siècles pour atteindre leur apogée au cours de la période nasride des XIIIè et XIVe siècles, peu avant la reconquista et le retrait des musulmans, chassés d’Espagne par les rois de Castille et d’Aragon, leur dernier bastion étant la ville de Grenade. Il est intéressant d’observer l’intrication étroite des cultures chrétienne et musulmane au cours de ces siècles de cohabitation au travers de plusieurs édifices dont les plus célèbres sont l’Alhambra de Grenade, l’Alcazar et la Casa de Pilatos à Séville et surtout la mosquée-cathédrale de Cordoue, immense édifice à base romaine sur laquelle a été érigée une mosquée aux multiples colonnades modifiée enfin en cathédrale. On trouve là une admirable intrication des modes d’expression architecturaux et décoratifs des civilisations musulmane et judéo-chrétienne.
Azulejos de la Casa de Pilatos , résidence seigneuriale la plus importante de Séville. Tous les murs sont recouverts de divers motifs d’azulejos dont les thèmes floraux, héraldiques ou géométriques sont typiques de la renaissance espagnole en première partie du XVIe siècle.
Voici ci-dessous des miniatures des azulejos qui ornent en totalité le rez-de-chaussée de la casa de Pilatos:
Voici quelques aperçus de la visite:
Azuelos de l’Alcazar
Azulejos de la Casa de Pilatos
Et dans la rue, sur les murs d’églises, sur les panneaux indicateurs…
Comment les azulejos ont-ils été réalisés?
Cela pouvait consister en assemblage de mosaïques juxtaposées » les alicatados » qui consistait à découper des pièces de céramique monochrome selon un modèle préalablement dessiné. L’apogée de cette technique date du royaume nasride qui siégeait à L’Alhambra de Grenade.
La technique de la « corde sèche« , procédé d’origine musulmane, plus économique et plus simple à réaliser, se développa au XVe siècle et est encore utilisée aujourd’hui. Elle consiste à délimiter sur le biscuit (au moyen d’une poire à bec fin) les champs de couleur des azulejos par un trait (appelé improprement corde) composé d’un mélange d’huile et de pigments en poudre tel que l’oxyde de manganèse. Puis se développa la technique de l’arête où la délimitation des champs de couleur se faisait par de fines arêtes en relief. Il n’y a que 2 cuissons, celle du biscuit qui se fait à 980°C et après la corde sèche et application des émaux une autre cuisson à basse température entre 980-1080°C
Triana, quartier de Séville qui s’étend au bord du fleuve Guadalquivir, lieu ancestral de production de faïences et d’azulejos, quartier très animé où se trouve le musée de la céramique et des boutiques ou des ateliers de potiers.Les usines ont définitivement fermé leurs portes, la dernière en 2012 étant celle de Manuel Garcia Montalvan.
La renaissance connut l’arrivée à Séville d’un italien Nicoloso Francisco Pisano mort en 1529 à Séville qui apporta à Séville la connaissance de l’ornementation de la renaissance italienne, introduisit la peinture au pinceau qui se poursuivra jusqu’à aujourd’hui, mit en action sa vision commerciale et développa une production semi-industrielle en créant en particulier l’azulejo de arista ‘technique » à l’arête ») qui s’est substituée à celle de la corde sèche et a permis à partir d’un moule la reproduction des azulejos à l’identique, avec pour conséquence le développement d’un commerce massif.
L’époque baroque: un déclin économique et social de 1650 à 1700 fut suivi au milieu du XVIIIe siècle d’une extraordinaire vitalité des peintures sur faïence grâce à un équilibre entre une technique plus raffinée et une décoration plus expressive
La révolution industrielle des 19e et 20e siècles est représentée par les méthodes d’un anglais, Charles Pickman (1808-1893), qui introduisit d’Angleterre de nouveaux concepts de fabrication, de transport et de stratégies commerciales. Cette période est appelée la seconde renaissance de la céramique sévillane.
La contestation des méthodes industrielles apparut dès le milieu du 19ème siècle. La production industrielle massive s’est accompagnée rapidement d’une revendication de retour aux méthodes pré-industrielles qui a favorisé la création artistique
Les boutiques et ateliers à la sortie et dans les rues de Triana:
Elles ont remplacé les usines et proposent à la vente une grande variété de produits de caractère standardisé.
Musée de Rambla-Cordoue et les ateliers de production
Le musée est construit à proximité du terrain où étaient extraits deux types d’argile depuis l’antiquité. Il donne à voir les oeuvres des premiers prix obtenus par les artistes concourant chaque année.
Plats ayant obtenu le 1er prix
A la sortie de la ville, la zone polygonale industrielle est occupée par de véritables supermarchés de la céramique contigus dont voici un exemple
Inutile de dire qu’on s’est senti submergé devant une telle abondance qui ne satisfaisait pas notre besoin de dénicher des objets simples décorés avec moins d’ostentation.
Forum de la céramique à Séville : un marché potiers se tenait à deux pas de notre hôtel. Découverte d’un stand de vente de matériel « esmalte y barro » intéressant à des prix attractifs et de contact très sympa (le vendeur m’a offert deux outils de sculpture) mais il faut voir le coût du transport. Arrêt au stand de Beatriz Renfigo Ruiz, qui a son atelier à La Triana et à qui j’achète 2 azulejos en photo ci-dessous.
On termine avec le stand d’Isabel Garcia de Valencina de la concepcion (qui s’exprimait très bien en français) dont les poteries en grès nous ont plu, sobres, délicates avec des émaux « maison » de belle composition.