Boudineuse desaereuse

La boudineuse Sophie-Express que je viens de déballer est flambant-neuve

Elle provient de Breizh Ceram, fabriquée par Michel Lachand et conçue par Sophie, son épouse, elle-même potière.

A quoi sert-elle?

On l’appelle aussi bien extrudeuse ou boudineuse ou encore pugmill. Elle sert à mélanger, homogénéiser et dégazer l’argile avant son façonnage.

  • Mélanger : elle homogénéise les différents types d’argile, chamottes, additifs ou recyclés.
  • Dé-aérer : grâce à une double vis, elle élimine les bulles d’air présentes dans la pâte — crucial pour éviter les fissures ou explosions à la cuisson.
  • Boudiner : elle forme un boudin d’argile compact et plastique prêt à être tourné, pressé ou moulé.
Mottes d’argile à recycler

En quoi BD-sophie-express est-elle originale?

Elle permet la dé-aération de la terre sans pompe-à-vide,  conçue et fabriquée en France, c’est une création artisanale et enfin c’est la moins chère du marché

Si tu penses comme moi que la dé-aréation de la terre provient d’une pompe-à-vide, tu te trompes. La pompe sert avant-tout à dé-humidifier la terre plus rapidement

La dé-aération est due à la combinaison de plusieurs facteurs concomitants:     –  le jeu diamétral entre vis et fourreau                                                                                    –  la double vis en sortie                                                                                                                    –  la pente de la spire-vis                                                                                                                   – la contre-pression au niveau cône de sortie ( passage d’un diamètre de  110 à 75 mm )                                                                                                                                                    – la vitesse de rotation de la vis.

Si tous ces paramètres sont bien ajustés, la dé-aération est complète

Jusqu’ici je m’en passe alors pourquoi m’équiper?

Comment j’en ai ressenti le besoin?  Quand tu recycles la terre, tu remarques que des bulles d’air ressortent même si tu pétris bien ta motte avant de l’utiliser. Pour le tournage, ça peut être gênant mais pas trop. Par contre dès que tu travailles à la plaque, tu vois des bulles en surface. Tu les crèves mais tu y passes du temps. Tu peux aussi partager ta motte en deux ou en trois dans le sens de la longueur et recoller à plat les morceaux et chasser ainsi une bonne partie des bulles. Mais si tu veux vraiment être efficace il faut acquérir une boudineuse.

L’installation

Je la place en bout de table et la fixe avec deux vis

Les débuts

Mon premier essai est une vraie galère.  Je place ma terre dans le puits de chargement, la pousse avec le pilon en T sans succès. Je force, bascule le pilon de droite à gauche et d’avant en arrière, me suspends au pilon mais rien n’y fait. J’ajoute un peu d’eau par dessus, ça glisse un peu et à force, à force j’obtiens un boudin. Si ça doit être comme ça à chaque fois je préfère renoncer. Je retire la terre du piston au dessus et mets de la terre très humide, presque mouillée. C’est pire encore, la terre sort par les trous de derrière, au dessous du moteur et pas de boudin.

J’insiste

Je démonte le tout, nettoie, remonte et prends de la terre que j’utilise pour travailler, molle mais pas mouillée. Et là, oh bonheur, en poussant facilement le piston, un tube d’argile s’extrait majestueusement de l’orifice de l’appareil.

Moralité: mon vécu de boudineuse au début est plutôt ardu mais réaliste. Je plaide coupable. Sans conseil préalable tu t’exposes à des déboires. Heureusement rien de cassé et maintenant tout va bien.

Ce qu’il faut faire en début d’utilisation:

Charger en terre le puits de chargement aux 2/3 et utiliser de la terre molle, celle que tu obtiens sur la plaque de plâtre en pétrissant la « tête-de-bélier »

Comment améliorer son utilisation?

Pour faciliter la poussée du piston, je vais commander  un levier adapté au puits de chargement et qui démultiplie la force de poussée.

Je vais aussi commander un chemin de roulement qui s’adapte en sortie pour  récupérer les boudins.

Résultat: satisfait

Cette boudineuse m’a coûté 1500€ mais ne peux te garantir que tu obtiendras le même tarif. Depuis deux jours que je l’utilise et après avoir recyclé 20Kg de terre, je n’ai rencontré aucune bulle en étalant les boudins.

Après utilisation, je démonte la vis et les pistons et les place dans un grand seau d’eau pour la réutiliser d’ici deux à trois jours.  Sinon, je la nettoie entièrement et la stocke au sec.

Quelques infos sur les boudineuses

Constitution typique

  1. Trémie d’alimentation : où l’on introduit l’argile brute.
  2. Vis sans fin (ou doubles vis) : pour malaxer et pousser la matière.
  3. Chambre à vide : parfois présente pour dé-humidifier rapidement
  4. Filtrage / grille : parfois présente pour éliminer les impuretés.
  5. Buse de sortie : forme le boudin d’argile (souvent rond ou ovale).
  6. Moteur et réducteur : assurent la rotation des vis.

Capacité et puissance

  • Petite boudineuse d’atelier : 25 à 100 kg/h, moteur de 0,5–1,5 kW.
  • Moyenne : 200 à 500 kg/h, moteur de 2–5 kW.
  • Industrielle : jusqu’à plusieurs tonnes/h, moteurs >10 kW.

Quelques prix indicatifs et des liens:

Un petit tour d’horizon des boudineuses montre que les prix s’échelonnent de 3000 à 20.000€. Cela va de la boudineuse destinée à un petit atelier à de gros appareils plutôt adaptés à un usage industriel.

Breizh-Ceram 1500€ (à titre indicatif)  fabrication française artisanale               breizhceram@gmail.com  Michel LACHAND Mob. +33 6 70 61 46 24

Rhode 5484€ chez cigale et fourmi 

Solargil 5196€

Bisbal Ceram 5674€

Ceram decor 5200€

Ceradel 3450€

Shimpo-Nidec 8460€

Peter Pugger 8000-20.000€

 

 

 

La résilience du potier

Tout ça pour rien!?

Je passe huit heures à monter une statue

Montage de la statue en grès chamotté sur un socle de grès rouge

Après la pose de sa cape, je retourne la statue et enfile l’orifice laissé pour le cou sur une tige métallique fixée à un support en bois. Jusque là tout va bien.

Pour façonner la tête je positionne la statue sur un support horizontal.

En un rien de temps, la statue s’est brisée

La statue brisée part dans la bassine pour recycler la terre

Et on recommence

Après l’échec, tu es dépité. Puis tu réfléchis. Je dois recommencer à zéro mais avec une meilleure méthode

Installer un support adapté

 

Barres métalliques verticales fixées au support

Utiliser des fils de Kanthal

Les jambes sont montées le long de fils de kanthal

 

L’inclinaison de la jambe suit l’axe d’une tige de métal

… et des croisillons pour l’armature interne

Pour assurer le solidité, je place des croisillons en argile à l’intérieur des tubes au fur et à mesure du modelage

Question : comment va-t-elle tenir debout?

La statue penche en avant au delà du centre de gravité afin de simuler la marche. Elle ne tient debout que grâce aux supports. Comment la faire tenir debout dans le four et après la cuisson?

Pour la cuisson, je la calerai au mieux dans le four. Après la cuisson je la soutiendrai au moyen d’un support métallique.

Ne pas dépasser la hauteur du four

La hauteur du four est de 64cm, hauteur à respecter pour la statue si je veux la cuire en un seul morceau.

*

Je coupe et recolle une jambe qui me parait trop longue. Pour soutenir les larges manches des bras j’incorpore des fils de kanthal se prolongeant dans le corps.

Je place la tête sur les épaules. Le chapeau sera posé dessus sans dépasser les 64cm de hauteur de l’ensemble afin de ne pas dépasser les limites du four. Le bâton du bras droit est un tube d’argile, fragile, ce qui fait sa valeur. Il faut également poser la veste sur les épaules mais je l’ai déjà fait, ce n’est pas très compliqué.

J’avance dans le projet mais plus je progresse et plus je m’interroge: comment faire tenir tout ça ensemble? comment assujettir ce corps penché vers l’avant avec ses bâtons posés au sol?

Je ne vois qu’une solution: une fois terminé le montage de la statue, je coule un sol en argile qui simulera le chemin et qui réunira les pieds et les bâtons.

14 Juillet 2025: la statuette est terminée

Prochaine étape: retirer délicatement les fils métalliques et la décoller de son support. Espérons qu’elle ne se brisera pas. Je dois aussi faire un trou dans le corps sous la cape. Après cuisson, ce trou me permettra d’y introduire un support métallique.

Nouvel échec

Après avoir mis des cales dans le four à bonne hauteur, je me prépare à l’y déposer. Sans avoir rien heurté, les jambes, une main et les bâtons se brisent.

J’en tire comme leçon que faire une statue en déséquilibre avec des éléments aussi fragiles est une tâche trop difficile pour moi. Je dois revoir à nouveau ma copie.

Je laisse passer quelques jours et me remets au travail.

19/07/2025 Restauration

Je restaure la statue en remodelant le bas des jambes, les pieds et une main. Du coup, je lui donne moins d’allure de mouvement. Je positionne le centre de gravité  entre les jambes pour la faire tenir debout. Je retire les bâtons et sculpte les mains pour y placer secondairement des bâtons en bois.

Enfin, je dépose une engobe de terre noire sur la cape et la place debout dans le four. Pourquoi une engobe noire ? Si la statue supporte la cuisson, je vais tenter de l’émailler. Je souhaite  superposer un émail blanc réticulé sur terre noire. Je la cale avec des pots déjà biscuités non émaillés.

Il manque le bouquet final lors de l’ouverture du four dès demain.

20/07/2025: Ouverture du four : sauvé

Ouf!, pas de casse heureusement. Je la mets debout . Il tient grâce à une petite cale placée sous son pied gauche.

Je lime un peu la plante du pied droit afin de retirer la cale et la voilà prête à être émaillée.

27/07/2025: l’émaillage.

Ce matin, je l’ai entièrement émaillée avec des émaux mats cône 6 à 1200°C. La cuisson finale, c’est la dernière ligne droite. Le pèlerin (car c’est un pèlerin) sort comme il doit sortir, tu ne peux plus y toucher.

30/07/2025: la récompense

La statue sort du four intacte, les émaux sont de belle qualité, ouf!

Il reste à faire réaliser une plaque en métal hérissée de deux pointes qui pénètreront par l’orifice laissé dans chaque plante de pied et que je collerai.
Il reste aussi à faire deux bâtons en bois qui seront placés dans chaque main.

04/08/2025: il tient debout

Plaque en métal en forme de coquille St Jacques qu’a réalisée COMUA

J’instille du ciment-colle (Mapei) par les orifices creusés dans la plante des pieds. J’y introduis les deux piques de 10cm soudées à la plaque .

Façonnage des bâtons.

Deux branches de chêne fraîchement coupées, amincies à la râpe-à-bois puis poncées au papier-verre et cirées.

Morale de l’histoire:

la résilience ou la capacité à surmonter la difficulté et à recommencer malgré les échecs. Ici, la resilience fait pâle figure comparée à celle de Bernard Palissy