Coefficient de Dilatation thermique

Tu ouvres ton four et constates que ton émail a des fissures, ou des craquelures, des zones de tressaillage ou d’écaillage. Tu l’as peut-être recherché pour donner un effet décoratif. Mais ça peut aussi être un désastre pour tes pièces qui deviennent impropres à un usage alimentaire en raison de leur porosité.

C’est l’effet nuisible du Coefficient de Dilatation thermique (CDT). Nous verrons plus loin qu’il n’est pas seul en cause!

Le CDT: de quoi s’agit-il?

C’est la mesure du changement de longueur ou de volume du matériau en céramique sous l’effet de la température. Plus forte est l’expansion de la pièce pendant la cuisson, plus sera forte sa contraction pendant son refroidissement.

Le but de cette mesure est « de déterminer comment les matériaux et émaux peuvent s’ajuster réciproquement et leur possibilité de survivre à un réchauffement et à un refroidissement sans fissurer« .

Les valeurs d’expansion de l’argile et des émaux lors de la cuisson sont très faibles et se notent scientifiquement en mètre/mètre/°C . Ce CDT est mesuré par un dilatomètre. Sa valeur  (par exemple 6,5×10-7 ) se note 6,5 par simplification. Plus sa valeur est haute, plus forte est l’expansion. Une argile ou une glaçure s’allonge de 2 à 5mm par mètre si on les échauffe de 500°C soit 5 à 10 microns /° C.

La compatibilité terre-émail

Les fissures surviennent à distance de la cuisson

Ta pièce sort du four, sans fissure. Hélas, quelques jours plus tard, après un séjour au réfrigérateur apparaissent des fissures. Celles-ci  peuvent donc survenir plus tard, lors de contraintes thermiques au froid ou à la chaleur. Cela provient des variations d’expansion-contraction respectives de la terre et de la glaçure. La terre se dilate pendant la cuisson et se rétracte au refroidissement. La glaçure fond au cours de la cuisson et adhère au support de terre pendant le refroidissement.

L’interaction pâte-glaçure

Au cours de ces variations de température survient une interaction entre la terre et l’émail. Le plus souvent, ces variations sont sans effet visibles. Elles surviennent lorsque l’interaction terre-émail est trop forte,  lorsque l’émail se dilate trop par rapport à la contraction de la terre. Les glaçures résistent mieux à l’effort d’une compression qu’à celui d’une traction. Le tressaillage provient d’une contrainte de traction trop élevée appliquée à la glaçure, c’est-à-dire lorsque le CDT de l’émail est trop élevé par rapport à celui de la pâte.

La compatibilité terre-émail

L’objectif du potier est d’avoir une compatibilité terre-émail. Pour cela, il faut que l’écart des CDT entre celui de la pâte et celui de l’émail soit le plus faible possible. S’il existe un écart, il faut que le CDT de l’émail soit inférieur à celui de la pâte. Des tolérances sont acceptables, évaluées à 10 à 15 points pour la faïence et à 1 à 5 points pour le grès et la porcelaine. Par exemple: pour un grès sablé PRAI avec un CDT de 56, un CDT de l’émail de 51 convient.

CDT des argiles : fiches techniques du fournisseur

Expansion thermique de l’argile: un phénomène compliqué

L’expansion thermique est un phénomène très compliqué. C’est le produit résultant de grains minéraux qui peuvent rester inchangés ou avoir fondu ou coulé ou encore avoir inter-agi pour créer un nouveau minéral.

C’est aussi le produit complexe de plusieurs facteurs tels que le degré de vitrification, la courbe de cuisson, la taille des particules, la forme des matériaux et la distribution des particules. Cette complexité de la microstructure conditionne son expansion thermique.

La fiche technique du fournisseur

En pratique, recherche le CDT de la pâte que tu utilises dans la fiche technique du fournisseur.

A titre d’exemple, voici ci-dessous les CDT des grès que j’utilise et qui sont données par le fournisseur:

PRAI  56,  PRAF 56, PRNI 55, PRNG 50

En théorie, le CDT de ma glaçure doit être inférieur de à 1 à 5 points à celui de la pâte. Il faut donc qu’il soit compris entre 45 et 51.

Comment puis-je calculer le CDT de l’émail?

Calcul du CDT d’une glaçure

De quoi dépend l’expansion thermique de l’émail?

L’expansion thermique d’un émail dépend essentiellement de sa composition chimique. Le calcul fait intervenir les valeurs expérimentales sur la fraction molaire des oxydes. A titre d’exemple, voici l’action de quelques oxydes sur le CDT selon A.A. Appen entre 20 et 1300°C avec des CDT : K20 = 465, Na2O = 395, CaO = 130, MnO = 105, MgO = 60, Fe2O3 = 55, ZnO = 50, CoO = 50, Al2O3 = -30, SnO2 = -45 et = ZrO2 -60.

La composition chimique n’est pas seule en cause dans le CDT de l’émail

Certaines valeurs sont variables en fonction de la phase du matériau telles que SiO2 : 5 à 38, TiO2 : -15 à 30. Ainsi, la silice fondue (non cristalline) a un CDT proche de zéro lors du passage de la température de la pièce à 1093°C. Dans les mêmes conditions, le quartz minéral qui a la même composition chimique a une expansion importante de 1,5% ! Par comparaison, l’alumine fondue (à 1400°C) a un CDT de 0,9% et le zirconium à 0,8%.

En pratique, le calcul du CDT d’un émail est inutilisable

Comprendre le calcul du CDT de l’émail peut donner néanmoins une orientation au céramiste pour ajuster une glaçure en modifiant sa composition. Les glaçures ayant de hauts pourcentages en particules de quartz libre ont la plus haute expansion. Les porcelaines vitreuses (où le feldspath a dissous une bonne partie de la silice) et certains corps tels que la mullite ou la phyrophyillite ont les plus faibles expansions.

D’autres facteurs influencent le CDT de l’émail

Il faut compter aussi avec le degré de dissolution et d’homogénéité des différentes particules dans le mélange. Le degré auquel sont survenues la séparation de phases et la cristallisation au cours du refroidissement dans le four affectent également le CDT.  Comprendre le CDT d’un émail spécifique est donc le résultat de l’ensemble des variables qui participent au CDT.

En pratique, ceci ne peut se faire qu’au cours du temps et avec de l’expérience .

C’est par des calculs de composition d’émail et des tests répétés que l’ajustement de l’émail à l’argile peut être démontré.

Interaction pâte-glaçure

Jusqu’ici, on a considéré les CDT de la pâte et de la glaçure séparément mais quelle est leur interaction?

La glaçure en fusion va dissoudre la pâte en partie. Il en résulte une couche intermédiaire tesson-glaçure. Sa composition et ses propriétés sont fonction de la composition respective des deux matériaux, de la courbe de température et de l’épaisseur de la glaçure. Plus cette couche est épaisse et plus les tensions du tesson sur la glaçure sont faibles. En enrichissant la glaçure en silice, on réduit sa dilatation et on diminue le risque de tressaillage. De même, la re-cuisson d’une pièce peut faire disparaître le tressaillage par enrichissement de la glaçure en silice au niveau de la couche intermédiaire.

Pour éviter l’écaillage, il faut préserver la couche intermédiaire en favorisant au maximum la fixation de la glaçure au tesson. Donc, prévoir de bien dépoussiérer le dégourdi avant de l’émailler.

Comment prévoir si une glaçure va tressailler?

Mon conseil: clique sur le lien smart2000.fr

En résumé: émaille une face d’une plaquette biscuitée bien plane et fait la cuire. Si elle se déforme, c’est que tu as un risque de tressaillage.

Choisir et préparer son argile

Il faut commencer par le commencement, choisir une argile. Du grès , de la faïence, de la porcelaine ça ne se cuit pas de la même façon et l'objectif est souvent différent selon qu'on veut faire des objets de déco ou des objets culinaires. Si on veut tourner, sculpter, modeler, on aura des argiles différentes. Pour faire des plats allant au four, encore une autre. Comment s'y retrouver?

Inutile de re-traiter les bases de ce sujet très vaste, il suffit de consulter des sites web tels que Faiencerie de la Doller ou celui de Sarah  le-blog-du-bol

Quand on a fait son choix de ce qu’on veut créer,  comparer les gammes et les tarifs et trouver le fournisseur le plus près de chez soi pour aller la chercher car livrer de l’argile coûte cher. Avant de se décider, interroger les réseaux ne coûte rien et évite bien de déboires surtout au débutant.

ceram-decor

solargil

ceradel

como-ceramique

cigale et fourmi

Ce qu’il ne faut surtout pas faire en raison des risques de mélange de terres:

1/ Stocker au même endroit la faïence, le grès ou la porcelaine 2/ Préparer ces 3 produits sur la même plaque de plâtre 3/ Les sécher au même endroit 4/ Les placer ensemble dans le four.

Donc une place à part pour chaque catégorie de ces 3 types de terre. De même, si on utilise du grès ou de la faïence, changer de plaque de plâtre selon le type de terre pour éviter le mélange de terre chamottée ou non ou de couleur différente. 

01/12/2023: Recycler l’argile

Au cours du tournassage on élimine de la pièce tournée une certaine quantité de terre encore humide qui tombe dans le réceptacle du tour. A la fin de la séance, cette terre est récupérée et placée dans un bac contenant de l’eau. Lorsque le récipient est plein, bien remuer avec une spatule et étaler le tout sur une plaque de plâtre. Le lendemain matin, récolter cette argile qui se roule en mottes facilement et en faire des boules qui sont placées dans un sac en plastique afin de les préserver du séchage. Elles sont disponibles pour une ré-utilisation. En céramique, rien ne se perd.

L’argile étalée hier était ce matin de consistance parfaite, j’ai pu la récupérer, la pétrir, la rouler en pain puis la diviser en 6 boules de 1300g qui ont été mises sous plastique au pied du tour, prêtes à être utilisées.

27/05/2024 Visite à Thierry DOUBLET en Dordogne (24410 Parcoul) qui commercialise ses propres grès. C’est un vrai potier qui exerce ce métier depuis longtemps, ayant pris la suite de son père. Son atelier est immense, équipé de plusieurs fours à gaz, d’un four électrique. Son tour semble dater de Mathusalem, un tour à pied équipé d’un moteur, fabriqué à Angoulème mais les pots en séchage attestent d’eux-mêmes de sa qualité…et de celle de son maître. Les poteries, il y en a des centaines, triées par séries de pièces toutes identiques. En confidence il m’avoue que quand on peut aligner des séries, on sait enfin qu’on est devenu un vrai potier car c’est le travail le plus difficile. La salle d’exposition à la vente est tout aussi vaste, emplie de créations de toutes sortes. Enfin, on va voir l’entrepôt des argiles situé derrière. Des box juxtaposés abritent les argiles brutes dont certaines sont issues d’une carrière située à proximité. En face, sur des étagères sont empilées les différents modèles de terres. Je choisis plusieurs échantillons non chamottés : grès blanc, grès brun, grès rouge, grès culinaire, grès noir dont il vient d’achever la préparation. Enfin, je sollicite l’honneur de prélever 3 pains de grès « Castel » sur une palette destinée à l’usage personnel de Daniel Castel (voir chapitre cuisson-four). Il s’agit d’un mélange de grès blanc et de grès brun donnant une teinte beige assez commune. Dès mon arrivée à l’atelier, c’est celle que j’ai choisie pour me « faire les mains ». Elle se malaxe facilement sur la plaque de plâtre, un peu plus dure à monter et à centrer que le grès de St Amand mais c’est ensuite un plaisir de la tourner, car elle se tient bien, ne créée pas d’amas ou de grumeaux. J’ai tourné deux fois 5Kg avec le même plaisir et pu faire deux grands plats larges sans difficulté. J’attends avec impatience de voir le résultat avec les émaux.